Les Quincados (suite)
Je ne suis pas un senior, je suis vintage !
Le quincados peut être divorcé(e). Un divorcé qui redécouvre les joies et/ou les affres de la séduction. Un quincados récemment séparé après vingt ans, ou plus, de bons et loyaux services, et qui reste vaguement tenté aussi bien qu’inquiet devant les sites internet de rencontres, les nouveaux codes de la drague et de la relation amoureuse et l’évolution des rapports femmes-hommes…
Le succès du site de rencontres visant explicitement les plus de 50 ans, Disons demain, autant que la croissance de nombre de seniors utilisateur d’application de mise en contact sentimental, sexuel ou amical, montre bien l’évolution de cette génération.
Une étude d’août 2018 montrait que la quête de sens dans le travail n’est pas l’apanage d’une seule génération : les moins de 30 ans comme les plus de 50 ans sont 9% à déclarer « important de faire quelque chose d’utile au travail ».
Si l’on se recentre sur les quincados, il faut aussi évoquer les boomers, ces enfants du baby-boom qui ont grandi dans les années 1960 et 1970 et qui ont préféré la Liberté à l’autorité, les sorties aux corvées, cherché le travail choisi et riche dans lequel il s’épanouiraient en tentant d’y associer un joli bulletin de salaire. Ils ont zigzagué comme ils pouvaient, et comme ils le peuvent encore, entre risque de chômage et productivité imposé. Enfants de la société de consommation, et plus encore de la culture du service à tous les étages, ils ont découvert les voyages improvisé à la place des vacances programmées en groupe, préfère les déplacements en camping-car, en Harley-Davidson, voir en bus Macron, plutôt qu’en autocar mené pas un mauvais guide touristique. Avec l’émergence rapide de l’Internet, des sites de voyages des plateforme d’échange et de partage, les boomers ont vu jour après jour, leur quotidien s’ouvrir à d’autres petits possibles.
Pour résumer, on peut établir 4 grands types de style de vie chez les séniors. Tout d’abord les séniors traditionnels (SETRA) et les séniors fragilisées (SEFRA), les boomers bohème (BOOBOS) et enfin les bobos en perte d’autonomie (BOOFRA).
Les séniors traditionnels (SETRA), dont l’âge est généralement supérieure à 60 ans sont marqués par un conservatisme économique et culturelle allant croissant avec les années, et qui reproduit les schémas traditionnels de la prise d’âge, ils forment un ensemble passif et homogène qui met peu en cause la structure sociale. Et qui se situe fort loin de l’attitude quincado !
Les SEFRA sont fragilisées par la perte d’autonomie, physique ou neurologique, par un sentiment d’incompréhension du monde comme il va, ou ne va pas. Ils peuvent se trouver aussi vulnérable en raison de revenu trop faible qui les empêche d’avoir une vie digne et autonome. Ce sont des SEFRA qui ne peuvent plus, ou de plus en plus difficilement, vivre selon leur choix et maintenir leur habitude traditionnelle.
Les BOOBOS sont pour leur part, des jeunes seniors, de 50 à 70 ans, formant de fait une nouvelle catégorie sociologique et incarnant une autre façon de vivre sa retraite, sorte d’après-midi de la vie. Ces BOOBOS bénéficie du Triangle d’Or symbolisé par le temps disponible, pour ceux qui sont à la retraite, qu’ils peuvent en large partie organiser comme bon leur semble, le pouvoir d’achat et la santé. Ils constituent une nouvelle catégorie sociologique désireuse de rester dans la modernité.Cce sont eux qui préfigure l’attitude quincado.
Enfin, les BOOFRA sont les premiers bobos à atteindre les rives du grand âge et de la perte d’autonomie. Enfants de la société de services, ils attendent néanmoins attention, respect de l’intégrité et qualité de vie. En dépit d’une situation de santé délicate et fragilisée, ils cherchent à conserver une sorte de statut d’ouverture au monde et de rapport à la société qui est leur marque spirituelle.
Revenons à nos quincados. D’une certaine manière, cette catégorie émergente de séniors prolonge les BOOBOS. Si tous les quincados ne disposent pas d’un pouvoir d’achat substantiel et d’un niveau social et culturel élevé ils s’inscrivent cependant dans cet horizon, ce mainstream sociologique. Nous verrons aussi plus loin, que les quincados sont d’une certaine manière les héritiers des fameux bobos c’est gentil bourgeois-bohème, souvent brocardés, qui gentrifient nos grande ville en contribuant souvent à la hausse du prix de l’immobilier et en faisant évoluer la physionomie des quartiers où il s’installe.
D’une certaine façon, les bobos jouent à ne pas vieillir, afin de poursuivre leur vie comme avant, alors que les quincados font face à l’age qui avance sans pour autant oublier d’être ou de redevenir jeune. Par exemple, les premiers gardent le jean et la veste qu’ils portent depuis leur jeunesse, les secondes à l’instar deurs cadets, troquent justement leur pantalon en denim ou leur costume-cravate pour des vêtements dont le style répondra mieux alors manière de voir le monde et de vivre. Ils vont privilégier des marques nouvelles, écolos ou plus équitables. Certains n’hésite pas à porter des bermudes. Le style outdoor ou casual chic devient un must du côté des quincados. Les femmes apprécient les textiles légers et les formes plus confortables.
“Un couple d’amis à fêté en commun leur 60 ans à chacun. C’était incroyable, nous étions dans une boîte de nuit, le Zèbre à Paris, il y a eu un gigantesque karaoké pour toutes les générations. Nos amis déguisés ont dansé toute la nuit. Il y avait une palette de génération qui allait des petits-enfants à des seniors, de 8 à 75 ans me racontes Claudia lorsque j’évoque le phénomène des quincados. Cette amie italienne de tout juste 40 ans est encore esbaudie de cette soirée de “jeunes”. Cela faisait des années que je ne m’étais pas amusé comme cela, constate-t-elle admirative. Pour elle, c’est cela les quincados… les quincados non pas d’âge. En fait, tu sais, l’âge on s’en fout… tout est dit.
Ces variations montre bien que l’âge est une construction sociale et non une borne neutre et objective. L’âge est relatif, évolutif. Il se construit dans un environnement donné. Certes, des conditions de santé peuvent être associées de manière probabiliste à l’âge, pour autant, il reste une véritable relative d’abord marquée par le poids du regard de l’autre, de la norme qui s’impose. Ainsi une étude récente a fait valoir que les Français avait bien intégré que l’âge est fonction du milieu et de l’environnement social. Il considère que l’on est âgé dans sa vie personnel à partir de 68 ans, mais que la société fixe la barrière un peu avant, à 64 ans, et surtout que, dans la vie professionnelle, ce serait dès 57 ans soit un écart de 9 ans.
Être quincado, c’est un mode d’être au monde et de faire un pied de nez au trissotins qui associent prise d’âge et rebut de la société. Être old cool n’est pas une façon d’éviter ou de nier le monde extérieur. Le quincado peut-être des villes ou des champs engagé militant ou indifférent, populaire ou aisé, en grande forme ou diminué, il est d’abord dans la vie.
Le bien vieillir, une approche essentielle de la société des quincados. Les quincados symbolisent les séniors modernes, ces silver qui peuvent à tout âge relever d’audacieux défis : création d’entreprise, déménagement, installation à la campagne, nouvelle vie amoureuse, rupture totale avec l’envie professionnelle, changement physique, épreuve sportive, retour à la nature… Certes, le quincado renvoie l’image de refus de vieillir, ou pour être plus exact, de refus d’être considéré comme un vieux, comme cela n’implique pas qu’il réduise sa vie à une suite ininterrompue de jeux en ligne, de série sur Netflix, de drague virtuel ou de nuit sur le dancefloor…
Il ne s’agit pas de nier le passage des années mais de les transformer en avantage.
Il y a plusieurs vies en nous. une formule qui résume bien l’avancée en âge. Plus nous avançons en âge, plus le nombre de vie augmente. Le quincado est fort aussi de cette réalité des possibles. Une femme de 60 ans peu dans la même journée jouer un rôle professionnel où son expérience sera mise en avant, déjeuner avec sa fille et parler comme à une copine, retrouver sa dernière petite fille et jouer à la grand-mère, développer une action de bénévolat au sein d’une association à laquelle elle a adhéré récemment puis, enfin, passer la soirée avec un nouvel amour, au cours de laquelle elle retrouvera des sentiments équivalent à ceux de l’adolescence.
Source : Serge Guérin « les quincados »
Benjamin Leplat